Bibliothèque Malawi

David & Charles Livingstone – 1866

David et Charles Livingstone – 1866 – Exploration du Zambèze et de ses affluents et découverte des lacs Chiroua et Nyassa.

Exploration du Zambèse et de ses affluents et découverte des lacs Chiroua et Nyassa - David et Charles Livingstone 1858-1264

Extrait de l’ouvrage (p. 86 et 87 – chapitre IV) :

…  
On ne croirait pas, que dans cette région, les connaissances géographiques des Portugais n’ont jamais été au delà du Pangono et du Moukoulou. Le vicomte Sa da Bandeira, malgré ses patriotiques efforts pour établir que nous n’avons pas découvert le lac Nyassa, n’a trouvé dans les archives de Lisbonne qu’un seul renseignement à ce sujet, et le cite dans une lettre officielle au gouverneur du Mozambique. Le dit renseignement établit que les habitant de Senna entretenaient des relations commerciales avec les montagnards du Morambala, d’où le vicomte infère qu’ils ont dû remonter plus haut, et naviguer sur les nyanjas en question.

Dans tous les cas, ni l’un ni l’autre de ces marais n’a jamais été le lac Nyassa. Les cataractes du Chiré sont complètement inconnues; celle du Zambèze, la grande chute de Mosi-oa-Tounya, l’était également, nous en avons la certitude; les Portugais en ignoraient même l’existence. Toutefois, avant d’avoir lu la lettre du vicomte da Bandeira, nous supposions que les cataractes de Murchison devaient être connues des anciens Portugais de cette province. Nous pensons même encore qu’elles ont du être explorées; mais puisque leur découverte est demeurée cachée au reste du monde, puisque le souvenir s’en est perdu, même à Senna, elle doit se ranger parmi les exploration des indigènes.

Le bon vicomte sent aujourd’hui l’inconvénient de la politique bornée de ses ancêtres en fait de géographie; ses descendants regretteront de même la politique de dupes que suivent ses contemporains en matière commerciale.
Un membre de la compagnie de Jésus, proposa autrefois d’explorer le lac Maravi; mais on ne voit nulle part qu’il ait exécuté ce projet. Voilà, nous regrettons d’avoir à le dire, tous les renseignements que nous avons pu nous procurer à cet égard; s’il nous avait été possible d’en apprendre davantage, nous le dirions sans réserve; car nous n’éprouvons aucun désir de diminuer les découvertes des autres.

Extrait de l’ouvrage (p. 99 – chapitre V) :


28 août 1859. Nous quittons le Ma-Robert, pour aller à la découverte du lac Nyassa. Notre bande est composée de quarante-deux hommes : Quatre blancs, trente-six Makololos et deux guides. Ce n’est pas que le transport des bagages, ou le soin de notre défense exige une suite aussi nombreuse; mais la nature humaine étant partout la même, les noirs ne sont pas moins disposés que les blancs à exploiter les faibles, et à se montrer respectueux envers les forts.

Nous avons donné des mousquets à nos hommes; ce qui ajoute à notre prestige, mais n’augmente pas notre sécurité; la plupart n’ont jamais posé le doigt sur la gâchette d’une arme à feu; et il est probable que, s’il y avait combat, leur mousquets seraient plus dangereux pour nous que pour l’ennemi.

Extrait de l’ouvrage (p. 114 à 116 – chapitre V) :

…  
Nous côtoyons le Chiré au-dessus des cataractes; c’est maintenant une rivière large et profonde, mais dont le courant est faible. En un endroit il forme une expansion de dix à douze milles de longueur sur 5 ou six de large. Ce petit lac, nommé Pamalombé, est rempli d’excellent poisson. Les rives en sont basses et bordées d’une épaisse muraille de papyrus. Au couchant, près du rivage, s’élève une chaîne de montagne qui se dirige vers le nord.

Nous gagnons la résidence du chef de Mouana-Moesi; elle est à peu près à un jour de marche du Nyassa. Jamais, au dire des habitants, on y a entendu parler d’un lac. Ils nous assurent que le Chiré continue à se dérouler comme nous le voyons ici, jusqu’à une distance de 2 mois, et qu’alors, il s’échappe entre des rochers perpendiculaires qui s’élèvent jusqu’au ciel.

En entendant ces paroles, nos hommes se déconcertent :

« A quoi bon chercher ce lac, puisqu’il n’existe pas ? disent les Makololos.
– Il faut voir ces rocher merveilleux, répond le docteur, il le faut à tout prix.
– Et quand vous les aurez vus, réplique Masakasa, vous voudrez voir autre chose. Mais il y a un lac, ils ont beau dire que non, ajoute-t-il; c’est bien sur puisque c’est dans un livre. »

Masakasa, ayant une fois sans borne pour tout ce qui est écrit, s’indigne et reproche aux habitants de nous faire un mensonge.
« Le lac existe, leur dit-il ; comment les blancs l’auraient-ils vu dans un livre, s’il n’y en avait pas ? »

Ils reconnaissent alors qu’il y a un lac à peu de distance, en amont du village. D’après les réponses que nous obtenons ensuite, il est possible que l’histoire de ces rochers perpendiculaires ait trait à une fissure connue des indigènes et des Arabes, et située dans la portion nord-est de la falaise qui s’élève au bord du lac. Cette muraille est tellement haute que le sentier qui se déroule à sa base est qualifié de souterrain. Il est probable que la fissure qu’elle présente est le résultat d’une convulsion pareille à celle qui a produit la chute du Zambèze, et formé la vallée du Chiré.

Le soir, le chef nous apporta un peu de farine, et s’assit auprès de nous pendant quelques minutes; puis nous quitta en nous souhaitant un bon sommeil. A peine venait-il de partir qu’il s’éleva de la rivière un cri effroyable, suivi de cris aigus poussés par des femmes : un crocodile avait saisi la première épouse du chef, tandis qu’elle se baignait. Les Makololos prirent leurs armes et coururent vers la rive, mais trop tard : la pauvre créature avait disparu. Les lamentations des femmes du village ont durée toute la nuit; ce matin nous en avons rencontré d’autres qui venaient prendre part au deuil général. Leur chagrin était évidemment sincère, car elles avaient les joues sillonnées de larmes.

En leur apprenant ce malheur, Mouana-Moesi avait fait dire à ses voisins que des blancs étaient venus dans son village, qu’ils s’étaient lavés à l’endroit où sa femme allait ordinairement puiser de l’eau, et prendre ses bains; qu’ils s’étaient frottés avec une médecine blanche (du savon), et que sa femme ayant été se baigner ensuite, un crocodile l’avait prise. Il ne savait pas si c’était l’effet de la drogue que les blancs avaient employée.

Au retour, nous fûmes regardés avec terreur; les hommes s’enfuirent à notre approche; mais les femmes restèrent; ce qui fit dire aux fugitifs : « Elles sont plus heureuses que nous autres, elles n’ont pas à craindre la lance. »

Les bains, que d’après nos rapports avec les sujets de Chinsounsé, nous avions crus inconnus dans cette région, sont au contraire d’un usage fréquent chez les Manganjas de certains districts.

Nous découvrîmes le lac Nyassa le 16 septembre 1859, un peu avant midi. La pointe méridionale de ce lac est située par 14°25′ latitude sud et 33°10′ longitude est. Sur ce point la vallée est d’une largeur d’environ douze milles. Des montagnes s’élèves des deux côtés du lac; mais la brume, qui provenait de l’incendie des herbage, nous empêcha de voir au loin.
Longtemps après cette excursion, une lettre du capitaine R. B. Oldfield, commandant la Lyra, vaisseau de Sa Majesté Britannique, nous apprit que le docteur Roscher, un Allemand courageux, à qui son zèle coûta la vie, était arrivé au Nyassa le 19 novembre 1859, et avait su par les indigènes qu’il se trouvait des blancs à la pointe méridionale du lac. Notre découverte est donc antérieure de deux mois à celle du voyageur allemand.

Le colonel Rigby, consul anglais, et résident politique à Zanzibar, instruit du fait par lezs domestiques du docteur Roscher, en informa sir George Grey, gouverneur du Cap. Sa lettre a été publiée dans les journaux de la colonie.

On ne sait pas de quel point le docteur Roscher aperçut d’abord les eaux du Nyassa; la position exacte de Noussihoua, où il passa quelque temps sur les bords du lac, nous est inconnue. Il étaitresté pendant trois jours au nord-est de Noussihoua, et revenait, par la route des Arabes, vers l’endroit où l’on traverse la Rovouma, lorsqu’il fut assassiné. Les auteurs du crime ont été saisis par l’un des chefs de cette région, envoyés à Zanzibar, et mis à mort. On dit que le docteur n’avait rien communiqué de ses découvertes, ayant l’intention de publier tout son ouvrage à la fois, et d’une manière splendide, lors de son retour en Europe. Il n’y avait donc que des conjectures à faire à l’égard de son arrivée au Nyassa. Comme il était parti de Quiloa, et suivait le chemin des traitants, il est possible qu’il ait gagné le lac à l’endroit où passent les Arabes, c’est-à-dire à Ngombo, qui touche Tsenga;; ou bien en face de la baie de Kotakota. La publication régulière de nos lettres par la Société géographique de Londres a été pour nous un bienfait inestimable, en donnant une date certaine à chacune de nos découvertes, et en les rendant immortelles.

Le chef qui habite près du confluant du lac et du Chiré, un vieillard du nom de Mosaouka, apprenant que nous étions sous un arbre, vint nous y trouver, et nous invita gracieusement à venir dans son village. Il nous conduisit à un admirable figuier banian dont il semblait très fier. Les racines en avaient été dirigées vers le sol, de façon à représenter un immense fauteuil sans fond. Quatre de nos hommes purent se coucher entre les bras de ce siège gigantesque.


L’intégralité de l’ouvrage

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