Lac Malawi

Stratégies alimentaires des Cichlidés du lac Malawi

Les Cichlidés sont des poissons assez opportunistes dans leurs comportements alimentaires, avec une étonnante facilité a s’alimenter de ce qui leur tombe sous la main, ou plutôt de le nageoire. Mais cette capacité d’adaptation n’empêche pas certaines espèces de présenter un comportement alimentaire spécialisé prédominent dans leur milieu naturel. Ces spécialisations alimentaires peuvent évoluer au sein d’une même espèce, en fonction de l’age ou des saisons et la disponibilité des produits alimentaires.

Je vais essayer ici de faire un tour d’horizon des différents groupes trophiques des Cichlidés du lac Malawi, avec leurs diverses stratégies alimentaires.

Les prédateurs capturent des proies vivantes. Certains Cichlidés ont développé un comportement prédateur généraliste, se nourrissant de divers types de proies, tel que Lichnochromis acuticeps, qui se nourrit de petits mbunas et larves d’insectes, certains Mylochromis se nourrissent d’invertébrés et de petits poissons, d’autres ont développé une véritable spécialisation de prédateurs. Les prédateurs spécialisés peuvent êtres répartis dans plusieurs groupes trophiques :

Les phytophages, ou herbivores au sens très large, sont adaptés à une alimentation permanente, qui est digérée lentement, ils comprennent principalement 2 groupes trophiques (les phytoplanctophages sont regroupés dans les planctophages)

Les autres groupes trophiques sont plus généralistes et variés. Ils comprenent :


Les piscivores

Les piscivores, au sens large, sont des prédateurs se nourrissant d’autres poissons, adultes ou juvéniles. Je n’inclue pas dans ce groupe trophique ceux qui se nourrissent d’œufs et de larves de poissons (voir paedophages). Le lac Malawi compte de nombreux piscivores, certains ayant des techniques de chasses particulières. Je vous propose donc de faire un tour d’horizon de quelques prédateurs et leur mode de chasse.

La poursuite

La poursuite est la technique de chasse la plus simple et la plus pratiquée dans le lac. Le chasseur patrouille dans son habitat et dès qu’il repère une proie, s’en approche au plus près, pour ensuite la fondre dessus, après une poursuite plus ou moins longue. Ces attaques se soldent parfois par un échec, mais le nombre de proies potentielles ne fait que reporter le festin de nos prédateurs.

Dans la pleine eau, certaines espèces chassent Engraulicypris sardella, les sardines du lac appelées Usipas, ainsi que de jeunes Utakas. Champsochromis caeruleus est un véritable poursuiveur, qui chasse seul et parfois mais parfois en groupe. Les espèces du genre Ramphochromis pratiquent également la poursuite sur les même espèces.

Champsochromis caeruleus (Abysse, janvier 2009)
Champsochromis caeruleus

De nombreux autres prédateurs patrouillent, à la recherche de leur repas, tels que les espèces des genres Sciaenochromis, Buccochromis.

La diversion

Placidochromis johnstoni utilise une stratégie de chasse ingénieuse, en faisant diversion. Il remue les sédiments en le soufflant ou en y enfouissant sa tête, afin de les mettre en suspension. Ce nuage comprenant des éléments nutritifs attire de jeunes poissons, notamment des Mbunas, qui deviennent les proies de notre chasseur.

La chasse en embuscade

Les espèces du genre Nimbochromis sont spécialisées dans l »embuscade, grâce à un camouflage, leur permettant de se fondre dans le décor.
Nimbochromis livingstonii chasse en se couche sur le sol, parfois s’enterrant légèrement dans la vase, et fait le mort, attendant qu’un petit poisson s’approche, pensant picorer un cadavre, pour l’attraper. Patient, il peut attendre quelques minutes avant de passer à un autre site. Cette technique de chasse peut être observée parfois en aquarium.
Dans l’habitat rocheux, Nimbochromis linni se nourrit principalement de jeunes M’bunas. Il se positionne sur une roche et attend que sa proie viennent à proximité et l’attrape en déployant sa bouche extrêmement protractile. C’est un chasseur qui attend patiemment ses proies, parfois pendant plusieurs minutes.

Nimbochromis linni (Abysse, février 2005)
Nimbochromis linni

Dimidiochromis compressiceps a été qualifié de mangeur d’yeux, mais sans que ce comportement ne soit avéré. Il s’agit en fait d’un prédateur spécialisé dans une chasse à l’embuscade. Vivant dans les zones plantées notamment de roseaux et de Valisneria, il s’embusque dans les plantes, tête orientée vers le bas et attend sans bouger qu’un petit poisson passe à sa portée. La proie repérée, elle est visée des deux yeux, avant que notre chasseur le saisisse brusquement. A Chizumulu, l’espèce, de forme jaune, est rencontrée dans l’habitat rocheux. La technique reste la même, notre chasseur s’embusquant le long d’une paroi verticale.
Cette technique peut être observée en aquarium et il n’est pas rare de voir Dimidiochromis compressiceps rater sa proie et se planter dans le sable.

Le guet

Dans l’habitat rocheux, Aristochromis christyi chasse de petit mbunas, selon une méthode bien particulière. Placé au-dessus de sa proie, il penche son corps sur le coté afin de bien la fixer d’un seul œil. Il se laisse ainsi descendre sans mouvement du corps et arrivé à proximité, il saisit sa proie d’un brusque mouvement latéral de la tête.
Exochromis anagenys et Tyranochromis macrostoma semblent pratiquer la même technique.

Tyranochromis macrostoma, après repérage de sa proie, procède d’une manière similaire, en se positionnant la tête vers le bas, à 45° et penché sur le coté. Il fixe ainsi sa victime qui est très rapidement attrapée.

La ruse

Sciaenochromis friery se nourrit de jeunes Cichlidés. Ad Konings (Arlon 2006) l’a observé et filmer dans le milieu naturel, imitant un brouteur d’algues, picorant de substrat, afin d’approcher le plus discrètement sa proie avant de fondre dessus.

L’isolement labiale

Protomelas ornatus, qui possède un corps comprimé latéralement et de grosses lèvres. Il pivote son corps à 90°, pour le retrouver à l’horizontale et se jète sur ces proies, qui cherchent refuges dans les fissures et rainures de la roche. Elles se retrouvent isolées par ses lèvres enflées, bien adaptées à ce rôle.

Abactochromis labrosus possède également un corps comprimé, qui lui permet de se faufiler entre les roches et dans leurs fissures. Il y isole de petits Mbunas à l’aide de ses lèvres charnues avant de les aspirer. Il agrémente également son régime alimentaire de petits invertébrés.


Les paedophages

Les paedophages sont des prédateurs qui se nourrissent d’oeufs, de larves ou d’embryons d’autres poissons. Plusieurs espèces présentent ce comportement, de manière avérée, avec différentes stratégies d’attaques. Ce qui pourrait surprendre, c’est le comportement reproducteur de ces espèces : ce sont des incubateurs buccaux maternels.

De cette spécialisation alimentaire, une espèce a tiré son nom provisoire, dans l’attente d’une description scientifique. Protomelas krampus (anciennement Hemitaeniochromis sp. « paedophage ») se rencontre dans les bancs d’Utakas en incubation. Ses attaques, qui peuvent démarrer à plusieurs mètre de la victime, on lieu par le haut. L’attaquant heurte violemment la tête de la femelle pour lui faire lâcher tout ou partie de sa progéniture.

Caprichromis orthognathus suis de grands haplochrominiens, dont il attaque les femelles par le dessous afin de taper la cavité buccale avec sa tête, afin de lui voler sa progéniture. Il se nourrit d’oeufs et de larves.

Protomelas sp. « insignis small » et Otopharynx ovatus pratique une autre technique de chasse qui consiste à voler les œufs des couples en cours de reproduction, avant que la femelles ne les ai pris en bouche.
De nombreux autres Cichlidés peuvent occasionnellement compléter leur alimentation avec ce type de prélèvement, y compris en aquariums. J’ai eu l’occasion de l’observer avec Cyrtocara moori, sur un couple de Maylandia elegans.

Diplotaxodon greenwoodi est également un pédophage qui se nourrit d’alevins qu’il vole aux femelles en incubations.

Caprichromis liemi vole des oeufs et alevins. Il se nourrit également de parasites, sur la gorge d’autres Cichlidés. C’est certainement de là que lui vient son comportement de pédophage. On peut supposer que ses attaques pour ôter les parasites de femelles en incubation, conduisent ces dernières à lâchers leurs œufs et larves. On peu donc supposer qu’il en a profité de l’occasion compléter son alimentation, pour finir par en faire une seconde spécialisation alimentaire.

Bien qu’elles n’aient pas été observées en chasse, certaines espèces laissent présager un comportement paedophage, notamment part leurs contenus stomacaux et/ou la morphologie de leur mâchoire : Hemitaeniochromis spilopterus (Protomelas spilopterus) , Hemitaeniochromis sp. « spilopterus blue », Hemitaeniochromis sp. « hurotaenia yellow », Naevochromis chrysogaster, Diplotaxodon sp. « brevimaxilaris », Melanochromis lepidiaptes.

Pseudotropheus crabro, mangeur de parasite sur Bagrus meridionalis varie son alimentation en se nourrissant d’œufs et de larves de ce dernier, lorsqu’il est en période de reproduction.


Les lepidophages (mangeurs d’écailles) et de nageoires

Je commencerai par Melanochromis lepidiaptes (ex Melanochromis sp. « lepidophage »), qui doit son nom à la découverte d’écailles dans ses contenus stomacaux. Ce comportement alimentaire ne semble pas dominant, les observations faites dans le milieu naturel, montrant plutôt un comportement omnivore. Mais l’analyse du contenu stomacal de certains spécimens à mis en évidence un comportement pédopage (oeufs et larves de Bagrus meridionalis) et Lépidophage. Ce dernier comportement a été observé très occasionnellement.

Le plus connu des mangeurs d’écailles et de nageoire est Genyochromis mento. C’est un Mbuna qui semble avoir une préférence pour le pédoncule caudale et les nageoires anale et caudales de poissons de toutes tailles. En partie caché avant l’attaque, il bondit sur ces proies, qu’il attaque par dessous, en bondissant de l’une à l’autre avec une très grande agilité. Une fois repéré et repoussé, il s’éloigne de quelques mettre pour recommencer son scénarios sur d’autres espèces.
Adulte, il n’hésite pas à se mêler aux combats, principalement de Mbunas, pour se nourrir des écailles perdues dans la bataille et va jusqu’à grignoter directement sur les combattant. Il présente également des variations chromatiques similaires à d’autres espèces de son habitat, ce qui lui permet de s’approcher plus discrètement de ces dernière avant de les attaquer.

In situ, nageoires caudales ayant certainement fait l'objet d'attaque de prédateur tel que Genyochromis mento
In situ, nageoires caudales ayant certainement fait l’objet d’attaque de prédateur tel que Genyochromis mento

Dans le lac, nageoires caudales ayant certainement fait l’objet d’attaque de prédateur.

Corematodus shiranus et C. taeniatus chassent en toute impunité leur proies, en se confondant à celle-ci.
Le patron mélanique et le comportement de C. shiranus lui permet de se fondre dans les bancs d’Oreochromis et seule sa grande bouche le distingue des autres. Ainsi il approche discrètement ses victimes et les attaques en leur raclant les écailles du pédonciule caudal.
Corematodus taeniatus dispose également d’un camouflage, lui permettant de côtoyer discrètement plusieurs cihlidés sabulicoles. Il racle également et mord des écailles de ses victimes, de préférence sur le pédoncule caudale.

Docimodus evelynae, présente un comportement qui varie en fonction de sa croissance et de l’évolution de sa dentition. Les juvéniles se nourrissent de parasites. A une taille d’environ 6 cm jusqu’à 10 cm, ses dents changent pour être remplacées par de grosses dents coniques. Pendant cette période, il broute les Aufwuchs ou se nourrit de plancton. Ses nouvelles dents formées, son comportement lépidophage apparaît. Il vit alors dans des eaux plus profondes et se nourrit d’écailles de Cichlidés et de barbus, mais aussi de peau de poissons chat, avec une petite préférence pour Bagrus meridionalis.

Docimodus johnstonii semble également avoir un comportement lépidophage, des écailles de Claridae (poissons chats) ayant été découvert dans ses contenus stomacaux.


Les mangeurs de parasites

Caprichromis liemi de nourrit de parasites (Argulus sp.) qu’ils prélèves sur la gorge d’autres Cichlidés. Il varie cette alimentation par un comportement paedophage complémentaire (voir ci-dessus).

Pseudotropheus crabro s’est spécialisé dans l’élimination du parasite Argulus africanus sur Bagrus meridionalis (Kampango), qu’il ôte par raclage, à l’aide de ses dents à couronne bicuspides bien pointues et arquées vers l’intérieur. Il améliore son alimentation en se nourrissant d’œufs et de larves qu’il dérobe à son hôte, en période de reproduction.

Melanochromis loriae présente également un comportement de « nettoyeur », picorant les parasites et fongosités présents sur le corps d’haplochrominiens, qui viennent au devant de leur soigneur et garde la pose, le temps de se faire déparasiter.

Docimodus evelynae, présente un comportement qui varie avec l’âge et de l’évolution de sa dentition, avec comportement de mangeur de parasites lorsqu’il est juvénile.


Les molluscivores

De nombreux Cichlidés, notamment au sein des fouilleurs de substrat, ingurgitent, parmi les animalcules qu’ils prélèvent, des « micro mollusques », sans que ces derniers ne compose leur régime alimentaire de base.

Trematocranus placondon est un véritable molluscivore broyeur-pharyngien, qui se nourrit de petits escargots, qu’il détecte grâce à ses pores sensoriels, dont il écrase la coquille à l’aide de ses mâchoires dotées de puissants os pharyngiens.

Chilotilapia rhoadesii applique deux stratégies alimentaires distinctes en fonction des escargots qu’il met à son menu : broyeurs-pharyngiens ou extracteurs-décortiqueurs. Les petits escargots sont broyés entre ses mâchoires avant d’être mangé. Il porte un grand intérêt à Melanoides tuberculata dont il broie la partie la plus large de la coquille. Il montre également une préférence pour Lanistes nyassanus, qui, plus gros, est extrait par aspiration de sa large coquille. Ces deux comportements sont observables en aquarium.

D’autres espèces, tel que Mylochromis mola et M. sphaerodon qui possèdent de grosses dents pharyngiennes arrondies, se nourrissent également de petits escargots et complète leur alimentation de petits crustacés.


Les mangeurs d’invertébrés

Les invertébrés concernés par ce groupe trophique comprennent essentiellement des crustacés et de petits invertébrés, tel que des insectes et leurs larves. Les prédateurs de ce type de proie sont assez nombreux et présentent de nombreuses techniques de prédation..

Mangeur de crabe

Mylochromis epichoralis possède une mâchoire puissante comprenant de fortes plaques pharyngiennes dotées de grosses dents molariforme, qui laissent supposer un régime alimentaire basé sur de gros invertébrés. Il a été observé à plusieurs reprise attaquer et se nourrir de Potamonotaus orbistospinus, le crabe du Malawi.

Les chasseurs au sonar

Les Aulonocara, Alticorpus, ainsi que Trematocranus microstoma possèdent des pores (ouvertures) hypertrophiés sur le crâne et les joues. Ces pores sont vraisemblablement reliés avec les terminaisons de la ligne latérale, complétant le système de détection des pressions. Ainsi, comme doté d’un sonar, ils écoutent le substrat qui jonche leur habitat. Ils restent immobiles pendant plusieurs minutes à quelques centimètres du sol et dès qu’ils détectent un petit crustacé ou une larve d’insecte, ils plongent la tête dans le sol et attrapent leur proie. En mâchant, la bouchée de sable est séparée de la proie et expulsée par les ouïes ou recrachée.

Les fouilleurs de substrat

Fossorochromis rostratus, Taenioletrinops paerbitalis et T. laticeps, un grand nombre de Lethrinops, ainsi que quelques autres espèces, fouillent en permanence le substrat à la recherche d’invertébrés. Ils plongent la tête dans le substrat pour en tirer des bouchées de sable et de sédiment, qui sont filtrés au travers des ouïes, en retenant et ingurgitant les éventuels invertébrés présents. Cette recherche de proies permanente ne fait pas l’objet d’une détection ou d’un repérage préalable. Certaines espèces sont parfois suivies d’espèces qui se nourrissent dans leurs traces : les suiveurs bleus.

Lethrinops sp. "Red Cap Tanzania", mâle (chez moi, juin 2004)
Lethrinops sp. « Red Cap Tanzania », mâle (chez moi, juin 2004)

Ctenopharynx nitidus possède une grosse bouche qui lui permet d’écoper le sédiment qui recouvre le sable. Il le filtre pour n’en conserver que les produits comestibles, principalement des invertébrés.

L’aspirateur

Ctenopharynx pictus aspire ses proies du sédiment, grâce à sa bouche très protractile. Cette dernière s’ouvre vers le bas, presque perpendiculairement au corps, à quelques millimètres du substrat, puis les opercules s’ouvrent largement, générant un courant d’eau qui aspire de petits invertébrés.

Souffleurs de substrat et pousseurs de cailloux

Protomelas fenestratus se nourrit de larves d’insectes et de petits crustacés. Il erre dans son habitat en soufflant le sable et les sédiments qu’il met en suspension afin de découvrir ses proies. Protomelas pleurotaenia souffle également le sédiment, mais plutôt à la base des plantes, pour débusquer des larves d’insectes et des crustacés à corps mou.

Mylochromis labidodon se rencontre dans des zones comprenant des lits de galet, vestiges d’anciens lits de rivières. Il se nourrit en poussant ou en retournant ces galets qui composent son habitat, afin de mettre à découvert ses proies, principalement des invertébrés.

Les chasseurs à grosses lèvres

Cheilochromis euchilus se nourris d’invertébrés et de larves d’insectes, qu’il prélève sur le sables ou les rochers. Les spécimens de l’habitat rocheux possèdent des lèvres charnues leur permettant de recouvrir des petits trous existant dans la roche et d’isoler leurs proies avant de les extraire par succion.

Le corps compressé de Lichnochromis acuticeps lui permet d’accéder dans d’étroites fissures horizontales, dans les roches ou entre sables et rocher, pour débusquer principalement des invertébrés, ainsi que de jeunes Mbunas. Si des proies sont présentes, elles sont isolées par ces grosses lèvres avant d’être aspirées.

Placidochromis milomo se nourrit d’invertébrés qu’il prélève sur la couche biologique recouvrant les rochers.

Les picoreurs

Plusieurs espèces de Labidochromis (Labidochromis chisumulae, Labidochromis caeruleus, Labidochromis sp. « perlmutt », Labidochromis sp « hongi », …) se nourrissent d’insectes et autres petits invertébrés. Légèrement inclinée par rapport au substrat, elles examinent l’Aufwuchs à la recherche de proies.

Les mangeurs d’invertébrés tombés à l’eau

Pseudotropheus Williamsi se nourrit principalement d’insectes et de leurs larves. Il a été observé et filmé (Ad Konings), se nourrissant de mouches, tombées à l’eau. Ces mouches, regroupées en nuage sont régulièrement rencontrées au-dessus de la surface.

Protomelas spilonotus se nourrit également d’insectes et d’autres invertébrés à corps mou tombé à l’eau ou flottant à mi-eau au grè des courants. Lorsqu’il est présent, il se nourrit également de plancton.


Les herbivores ou macrophytophage

Par herbivores, j’entends les poissons dont la base alimentaire est composée principalement de plantes supérieures, telle que Valisneria aethiopica. Il s’agit plus précisément de macrophytophage; des mangeurs de plantes aquatiques (Macrophyte : Plante aquatique de grande taille, par opposition au phytoplancton et aux algues de petite taille).

Parmi les Cichlidés du lac Malawi, seul Protomelas similis présente un comportement herbivore avéré. Les mâchoires de Protomelas similis, présentent des dents externes très pointues et serrées, qui permettent de « couper » des bouts de plantes. Ces derniers sont ensuite malaxés à l’aide de puissantes dents pharyngiennes pointues, afin de faciliter la digestion des cellules végétales. Protomelas marginatus semble tendre, vers ce type de comportement, mais je ne dispose pas d’assez d’information pour l’affirmer.

Tilapia rendalli, à une taille supérieure à 10 cm, présente un comportement alimentaire plus spécialisé de macrophytophage, lorsqu’il vit dans un habitat planté. En l’absence de plante, où à une taille inférieure, il présente un comporte omnivore.


Les racleurs d’algues

Les brouteurs d’algues peuvent être répartis en 2 groupes, les racleurs épilithiques, qui broutent sur les rochers et les racleurs épiphytiques qui broutent sur les plantes, chacun présentant différentes techniques de prélèvement. Les algues broutées sont appelées aufwuchs, il s’agit d’une biocouverture comprenant des algues ancrées au support entremêlées d’algues lâches et de diatomées. En se nourrissant ce cette biocouverture, les algivores ingurgitent également les animalcules qui y vivent.

Les racleurs épilithiques

Certains Cichlidés ratissent l’aufwuchs, pour en prélever les parties non adhérentes. Ils se positionnent perpendiculairement au support, la bouches ouverte à 180° et prélève leur nourriture en fermant la bouche, leurs dents ratissant ainsi la couche d’algues. Parmi ces ratisseurs, nous rencontrons de nombreuses espèces des genres Maylandia, Petrotilapia, Cyathochromis et Oreochromis

Un racleur en action, in situ, à Thumbi Rock
Un racleur en action, in situ, à Thumbi Rock
Petrotilapia sp. "Chitimba" (Club aquariophile de Vernon, janvier 2008)
Petrotilapia sp. « Chitimba » (Club aquariophile de Vernon, janvier 2008)

De nombreuses espèces grignotent des touffes d’algues ou en picorent les parties les plus lâches. la plupart de ces espèces sont comprises dans les genres Pseudotropheus, Labidochromis, Melanochromis
Les mâles Cynotilapia territoriaux se nourrissent également de cette manière. Dans son habitat sablonneux, Pseudotropheus sp. « acei » prélève sa nourriture principalement sur les bois immergés.

D’autres Cichlidés, dont certains Tropheops pincent les algues accrochées aux roches et les arrachent en remuant le corps.

Avec sa bouche infère et son « nez » charnu, les espèces du genre Labeotropheus broutent les algues en maintenant un angle faible avec le substrat. Ils arrachent les algues avec un léger jeu de levier en utilisant leur « nez ». Cette adaptation leur permet de se nourrir facilement au travers de l’habitat rocheux balayé par les vagues, sans avoir à dépenser trop d’énergie.

Les racleurs épiphytiques

Hemitilapia oxyrhyncha prélève les algues accrochées sur les plantes avec une technique particulière. Il se met sur le coté et prend la base d’une feuille entre ces lèves, puis en quelques mouvements, remonte le long de la feuille, en raclant les algues qui y sont fixées.

Hemitilapia oxyrhyncha, in situ à Namalenje
Hemitilapia oxyrhyncha, in situ à Namalenje

Cyathochromis obliquidens se nourri des parties non adhérentes des algues poussant sur les plantes aquatiques, notamment sur les Valisneria. Il ouvre sa bouche à 180¨° sur la plante et racles les parties lâche à l’aide de ses dents en fermant la bouche.

Certains Tropheops pincent les algues présentes que les plantes et les arrachent par des mouvements du corps, comme pour les racleurs épilithiques. C’est notamment le cas de Tropheops novemfasciatus,
Tropheops sp « weed ».


Les mangeurs de plancton et de sédiment planctonique

Le plancton est constitué de la biomasse qui flotte dans l’eau au grès des courants. Il comprend le phytoplancton, d’origine végétale et zooplancton, comprenant de petits animaux inaptes à lutter contre le courant. Les mangeurs de zooplanctons et de phytoplanctons sont regroupés ici en un seul groupe trophique généraliste, certaines espèces s’alimentant de l’un, de l’autre ou des deux. Les mangeurs de plancton sont principalement rencontrés dans la colonne d’eau, soit dans la pleine eau, soit à proximité du substrat.

Les Haplochrominiens mangeurs de planctons que l’on rencontre en pleine eau sont appelés Utakas. Ce groupe comprend les genres Copadichromis et Nyassachromis. Ils aspirent leur nourriture en ouvrant leur bouche protractile, pour former un tube. L’aspiration est d’autant plus importante, que le tube créé est grand..

Les Cynotilapia se nourrissent principalement de plancton, qu’ils emprisonnent dans leur bouche, leurs dents pointues en assurant une bonne fermeture.

Maylandia greshakei se nourrit principalement de phytoplancton, Maylandia hajomaylandi est également un planctophage.

D’autres espèces sont nourrissent également de plancton, mais de manière épisodique, notamment en fonction de la disponibilité de la nourriture. C’est le cas de nombreuses espèces de Maylandia tel que Maylandia mbenji, Maylandia estherae ou Maylandia lombardoi

J’inclue également dans ce groupe trophique, les mangeurs de dépôts planctoniques. Dans certaines zones du lac, notamment dans le sud, il se produit périodiquement des dépôts de planctons, principalement des diatomées, sur le fond, composant ainsi le sédiment planctonique qui peut atteindre une épaisseur de 20 mètres. Trois espèces de Lethrinops, Lethrinops stridei, Lethrinops microdon et Lethrinops micrentodon se nourrissent de cette vase composée de diatomées, qu’ils varient occasionnellement avec du plancton.


Les détritivores

Les détritivores regroupent les espèces se nourrissant de déchets, tel que des scatophage (mangeurs excréments) et saprophage (mangeurs de matière organique en décomposition).

Otopharynx lithobates se nourrit de déchets laissés par d’autres poissons, notamment des herbivores et algivores, dont les excréments peuvent présenter une valeur nutritive. Il peut également s’alimenter de résidus de plantes et d’algues en décomposition.

Otopharynx walteri et Otopharynx sp. cave semblent présenter le même comportement.


Les omnivores

Les omnivores présentent un comportement alimentaire très opportuniste. En dehors des suiveurs bleus, on ne peut pas dire que qu’ils aient développé de réelle spécialisation. Ils s’alimentent de tout produit comestible disponible dans leur habitat. Les espèces suivantes, entre autre, peuvent être incluses dans ce groupe trophique.

Astatotilapia caliptera se nourrit des éléments comestibles qu’il trouve dans son habitat : petits invertébrés, petits poissons, algues, plantes, plancton…

Iodotropheus spengerae se nourrit de tout ce qui se présente à lui. Melanochromis melanopterus, comme Melanochromis loriae et Melanochromis vermivorus et de nombreuses autres espèces semblent présenter ce comportement.

Les espèces du groupe Protomelas spilonotus s’alimentent d’insectes tombés à l’eau, d’invertébrés à corps mou, de larves d’insectes mais aussi de planctons et peuvent être considérés comme omnivores.

Les jeunes Tilapia rendalli, de 5 à 10 cm, présentent un comportement omnivore, en consommant des algues, du plancton, des larves d’insectes et des plantes. Au-delà d’une dizaine de centimètres, en l’absence de plantes, il semble conserver son habitude omnivore, en consommant en plus des oeufs, de jeunes alevins et des débris de végétaux.

Les suiveurs bleus

Je termine cette saga des comportements alimentaires, par une association qui me fascine : Les suiveurs bleus et leurs hôtes..
Parmi les omnivores, les suiveurs bleus ont développé une technique d’alimentation particulière. Lorsqu’ils se nourrissent, certains grands fouilleurs de substrat, tel que Taenioletrinops paerbitalis, mettent en suspension des nuages de poussière comprenant de nombreux produis comestibles de toutes natures. Quelques espèces de Cichlidés se sont fait une spécialité de se nourrir dans ces nuages : Cyrtocara moorii, Placidochromis electra, Placidochromis phenochilus, Placidochromis sp. « phenochilus tanzania » et Protomelas annectens. Ces espèces sont souvent observées en train de suivre leur hôte au travers l’habitat sablonneux, le défendant parfois comme un territoire alimentaire.

Fossorochromis rostratus et Cyrtocara moorii, in situ à Masinje
Fossorochromis rostratus et Cyrtocara moorii, in situ à Masinje

Taenioletrinops sp. et Cyrtocara moorii, in situ à Masinje
Taenioletrinops sp. et Cyrtocara moorii, in situ à Masinje


Bibliographie

  • Ad Konings – Les Cichlidés du Malawi dans leur milieu naturel – 3ème édition – Cichlid Press
  • Ad Konings – Le guide Back to Nature des Cichlidés du Malawi – 2ème édition
  • F. Grenet et D. Dahy – Les prédateurs du Malawi – RFC n° 150, juin 1995
  • L. Lauzane (Les habitudes alimentaires des poissons d’eau douce africains) – Biologie et Ecologie des poissons d’eau douce Africains – Editions de l’ORSTOM
  • P. Tawil – Les ramasse miettes du Malawi – L’an Cichlidé vol. 4 / 2004 – AFC

Outre les sources bibliographiques ci-dessus, les conférences de Ad Konings, traitant de ce sujet ont été également une bonne source d’information, pour la finalisation de cette page.

Autres ressources sur le web

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